95 000 euros d’amende pour un excès de vitesse ?

La news qui interpelle

Bonjour tout le monde, vous avez peut-être vu ou entendu parler de cette actualité. 

En creusant, j’ai constaté de nombreuses approximations, volontaires ou non, qui brouillent la compréhension du sujet.

C’est pourquoi je vous propose de faire le point ensemble : comprendre précisément cette affaire, voir si ces mesures sont réellement efficaces et, surtout, réfléchir à la manière d’améliorer le respect des limitations de vitesse. Car au fond, c’est bien là que se trouve le cœur du problème : la vitesse reste l’une des premières causes de mortalité sur la route. »

Mais au juste… Comment fonctionne vraiment le système d’amende en Suisse ?

Pour revenir sur l’affaire, beaucoup de médias ont parlé d’une contravention. Et c’est là qu’est née une grande partie de l’incompréhension :Car ce n’est pas juste une contravention c’est une condamnation pour délit et ca change tout !

Le conducteur roulait à 77 km/h dans une zone limitée à 50, flashé par un radar automatique de ce type. À partir de là, l’affaire n’a pas été réglée par une simple amende forfaitaire, mais jugée devant un tribunal. Celui-ci a pris en compte plusieurs éléments : la gravité de l’infraction, les antécédents du conducteur, le risque de fuite, le danger pour la société et la récidive.

Et justement, ce conducteur avait déjà été condamné huit ans plus tôt pour la même infraction. À l’époque, il avait écopé d’une peine de sursis pécuniaire de 60 000 CHF , assortie d’un sursis de deux ans, ainsi que d’une amende de 10 000 CHF .

Et en Suisse, c’est la gravité de l’infraction qui détermine le nombre de jours-amendes. Dans ce cas, le tribunal a fixé la peine à 40 jours-amende. Ce système est pensé pour être égalitaire et à cette étape ne prend pas en compte le niveau de richesses mais uniquement les éléments liés au délit  c’est ici la première chose.

Mais alors comment on en arrive à une somme si importante ?

Et bien cette somme a été versée en  Suisse dépend dépend directement de la situation personnelle et économique de la personne condamnée : son revenu, sa fortune, son mode de vie, ses obligations familiales et son minimum vital.

Une fois le calcul effectué c’est ce qui fixera le coût de chaque  jours-amendes à payer le minimum est fixé à 30 CHF et le plafond légal à 3 000 CHF par jour. La peine peut aller jusqu’à 180 jours-amende, ce qui, dans le pire des cas, représenterait 540 000 CHF.

Pour prendre un exemple concret, une politicienne avait été condamnée à 30 jours-amende Au moment des faits, elle gagnait environ 150 000 CHF par an il a alors été calculé que chaque jour a remboursé coûte  150 CHF chacun ce qui correspond à peu près à 36,5 % de son revenu journalier ce qui fait au total 4 500 CHF au total.

Et dans cette affaire, la condamnation finale a été fixée à 2 000 CHF par jour. Si l’on applique le même ratio de 36,5 % revenu journalier , cela représenterait un « gain » estimé de 2 millions de francs suisses par an, car cette personne fait partie des 300 Suisses les plus riches (selon le Magazine économique BILAN) , le classement débutant autour de 200–300 millions sa place exacte dans ce classement n’est pas précisé

Cela donne déjà une bonne idée car un gain de 2 millions par an représente moins de 1 % de sa richesse et sur la base de la croissance moyenne du PIB et en tenant compte de l’inflation, ce rendement annuel paraît tout à fait cohérent. 

Et malgré la somme impressionnante qu’il doit rembourser, il lui faut moins de 15 jours pour regagner ses 80 000 CHF. En comparaison, sur la même période, la politicienne présentée plus tôt touche environ 4 500 CHF. Ce système permet donc d’avoir des échéances égales en le temps mais l’amende est alors équitable au bourse de chacun pour faire peser le même poids de la justice. 

À noter une chose très importante c’est que si cette amende est assortie d’un sursis comme dans cette affaire un souci de 3 ans. Cela signifie que, si le conducteur ne récidive pas, il n’aura pas à payer cette somme comme pour sa première condamnation. Il devra uniquement régler immédiatement les 10 000 CHF. Ce point n’a pas été rappelé par BFM, laissant croire que l’amende s’élevait à 90 000 francs suisses, alors qu’elle n’était en réalité que de 10 000 CHF.

En Suisse, les jours-amendes sont considérés comme une peine de prison : si le condamné ne peut pas payer la totalité de la peine pécuniaire, celle-ci peut être convertie en peine privative de liberté. Chaque jour-amende non payé correspond alors à un jour de prison, qui n’aura pas besoin d’être remboursé par la suite.

Ainsi, le système des jours-amende en Suisse vise à garantir que la sanction infligée soit équitable, en tenant compte des capacités financières de chaque individu.

une justice, égalitaire mais une sanction équitable !

https://www.guidedufrontalier.com/actualites/comment-fonctionnent-amendes-suisse

Et à votre avis est-ce possible qu’un tel système arrive en France ?

Et bien oui ! En France, les jours-amendes existent également et fonctionnent sur le même principe qu’en Suisse, avec un maximum de 360 jours et 1 000 € par jour.

Cependant, dans la pratique, ils ne sont presque jamais appliqués, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c’est que pour les excès de vitesse en France  il n’est pas nécessaire de passer devant un tribunal, sauf si vous contestez l’amende et sauf si c’est un  grand excès de vitesse supérieur à 50 km/h qui la est un délit ou l’on passer devant un tribunal mais qui est plafonné à 3 750 €.

et qui peut être complété avec la suspension du permis de conduire pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans ; L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; la confiscation du véhicule utilisé pour commettre l’infraction, si le prévenu en est propriétaire.

La seconde raison, un peu implicite, c’est qu’il n’existe pas de peine de prison associée aux excès de vitesse en France enfin seulement dans le cas d’une récidive a un grand excès de vitesse ou la peine est plafonné à trois mois d’emprisonnement ce qui reste rare . De facto, il est donc difficile d’appliquer le système des jours-amendes, car certaines personnes ne pouvant pas ou refusant de payer risqueraient un séjour en prison.

Au final, la détention n’est possible que dans des situations graves : conduite sous l’influence d’alcool ou de stupéfiants, conduite sans permis, refus de contrôle ou mise en danger délibérée.

Contrairement à la Suisse, où le système des jours-amendes est courant, en France il n’est utilisé que dans des cas très précis, notamment pour le délit d’homicide routier, récemment intégré dans la loi mais encore peu médiatisé – dommage de ne pas en avoir profité pour le rappeler.

En clair, si vous causez la mort au volant dans l’une de ces situations aggravantes, on parle d’homicide routier et non d’accident, et la justice se montre alors beaucoup plus sévère.

Concrètement, si vous êtes jugé pour un délit par le tribunal correctionnel, l’article 131-5 du Code pénal permet au juge de vous condamner à payer un certain nombre de jours-amende. Lors de l’audience, il est important de justifier vos ressources et vos charges, car le juge en tient compte pour fixer le montant à payer, en fonction des circonstances de l’infraction.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Val%C3%A9rie_Garbani

https://www.legipermis.com/infractions/exces-de-vitesse.html

Question/Relance : « Mais au final, est-ce juste et efficace ? »

La grande différence entre la Suisse et la France, c’est que, bien que les deux systèmes reposent sur le même principe d’équité, ils ne ciblent pas les mêmes leviers. 

En Suisse, la sanction frappe plus directement le porte-monnaie, tandis qu’en France, elle agit surtout sur le permis de conduire, via le retrait de points et l’obligation de suivre des stages de sensibilisation, même s’il reste possible pour les personne riche d’’outrepasser le système en faisant systématiquement appel à des acova en cas de PV. 

Et même en imaginant le système sans fil selon plusieurs études, une amende plus élevée impacte bien le comportement réduisant la récidive d’environ 15 % dans les six mois qui suivent, mais cet effet disparaît au bout d’un an. Et même pour notre multimillionnaire, sa première amende pourtant exceptionnelle ne l’a pas empêché de récidiver, certes huit ans plus tard.

https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4803851

Un autre point c’est que les chercheurs suggèrent également que de nombreux conducteurs ne comprennent pas parfaitement le fonctionnement du système d’amendes ce qu’ils appellent des frictions informationnelles avec une Injustice perçue, la sanction est alors vécu comme une punition mais pas comme une  meilleure compréhension du lien entre infraction → sanction → danger chose qui n’a d’ailleur absolument pas été abordé par les média. 

Mais alors quelles sont les vraies solutions ?

Alors que le débat médiatique s’enlise autour de la question : « Est-il juste de donner une amende colossale à un riche ? », on en oublie presque l’essentiel : « Quelles sont les conséquences réelles d’un excès de vitesse ? » Car dépasser la limite de 27 km/h n’est pas anodin : cela augmente fortement le risque d’accident mortel en milieu urbain. Et cette focalisation sur la sanction occulte les véritables solutions, qui se trouvent en amont, avant même que l’infraction ne se produise.

Une amende n’est qu’un constat d’échec : idéalement, il ne devrait plus y avoir de contraventions si les routes sont réellement sûres et si les conducteurs sont suffisamment sensibilisés. Certains objectent que sans amendes, comment financer la voirie ? À ce sujet, je renvoie à l’enquête que j’avais faite sur les « coûts invisibles de la route » : réduire l’accidentologie représente un gain immense pour la société, car la mortalité routière est aussi un poids financier considérable.

https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/vitesse-risque-accident.pdf

La sanction doit donc être complétée par une formation et une sensibilisation continues. Aujourd’hui, le permis est acquis à vie, et la seule sanction se résume souvent à un petit bout de papier reçu avec un délai pour l’infraction, souvent mal compris par les conducteurs, qui le contestent sans qu’il y ait réellement remise en question. Dans le meilleur des cas, il s’agit d’un simple rappel devant un juge, ce qui n’a aucun effet préventif réel. On attend que les gens fassent des erreurs pour ensuite les « éduquer ».

Il existe pourtant plusieurs approches possibles :

  • Une validité limitée du permis dans le temps, comme pour le contrôle technique des véhicules. Actuellement, on contrôle régulièrement la voiture, mais jamais l’humain qui la conduit à croire qu’il n’y a que des véhicules autonomes en circulation. Seuls les professionnels conduisant certains spéciaux doivent repasser régulièrement leur permis.
  • Dans certains pays, les conducteurs de plus de 75 ans doivent passer un examen médical pour vérifier leur aptitude à conduire. L’évaluation, réalisée par leur médecin, teste l’acuité visuelle, certaines maladies, la capacité de réaction et la concentration.

À mon avis, cela reste insuffisant. Des contrôles plus fréquents devraient être mis en place pour évaluer les capacités des conducteurs et les remettre à niveau, notamment sur le code de la route. Ce type de prévention permettrait de participer à la réduction des risques en écartant les conducteurs dangereux et sauver des vies..

https://www.l-drive.ch/fr/conduire-a-un-age-avance

Mais il n’y a pas que les conducteurs qui restent seront fondamentalement des humains qui feront des erreurs !

Aujourd’hui, une partie de la solution est également dans la technologie embarquée. Les voitures neuves sont déjà équipées de systèmes d’assistance :

  • Avertisseurs d’excès de vitesse,
  • Régulateurs et limiteurs intelligents,
  • Dispositifs capables de réduire automatiquement la vitesse.

Ces technologies sont loin d’être parfaites, mais elles montrent la direction : rendre le respect des limitations plus automatique, donc moins dépendant du seul comportement du conducteur. Cela nécessitera du temps et un accompagnement progressif, mais c’est une piste prometteuse.

Une autre approche, souvent plus efficace et universelle, consiste à repenser l’infrastructure routière. Mais comment ?

Un facteur trop souvent oublié est le design des routes. Certaines voies sont trop larges, trop rectilignes incitent inconsciemment les conducteurs à dépasser la vitesse limite autorisée.

Ce point est fondamental et rarement rappelé : il ne suffit pas de poser un panneau « 50 km/h » si la route elle-même ne suggère pas cette vitesse, il faut repenser l’ensemble de la voiture.

Pour mieux comprendre cette problématique, je vous renvoie à l’excellent travail de Not Just Bikes, qui analyse comment le design des routes influence le comportement des conducteurs.

Il ne s’agit pas de justifier les excès de vitesse, mais de repenser la route elle-même : rétrécir les voies, ajouter du mobilier urbain, créer un environnement visuel qui incite naturellement à ralentir. Ce type de réflexion va bien au-delà de la simple sanction : 

 Chaque PV n’est qu’un rappel que tous les autres garde-fous en amont doivent être améliorés. Tout doit être mis en place pour que cela n’arrive jamais, afin de limiter le risque qu’un jour, à la place d’un PV, ce soit une vie qui soit perdue. 

J’espère que cette mise au point pour apporter de nouvelles pistes de réflexion vous aura intéressé. N’hésitez pas à partager vos avis en commentaire, je suis curieux de vous lire. Merci aux relecteurs qui ont permis à cette vidéo d’être sans faute, et également à tous les soutiens sur les différentes plateformes, qui me permettent de prendre le temps de creuser ces sujets. Vous retrouverez l’ensemble des sources en description de la vidéo. Sur ce, je vous dis à bientôt et bonne route !