Comment en finir avec cette violence routière ?

Bonjour tout le monde ! Aujourd’hui, j’aimerais revenir sur cette actualité relayée le 27 octobre par Le Parisien, où un couple circulant en vélo cargo a été agressé par le conducteur d’un scooter alors qu’ils circulaient parmi les véhicules motorisés.

Le motard, qui leur avait ordonné d’avancer, a percuté le vélo cargo avec lequel ils se déplaçaient

Extrait du Parisien

Pour mieux comprendre cette affaire, je me suis rendu sur place, au niveau de la porte de Gentilly, pour observer le comportement des usagers et l’aménagement. J’ai également pris contact avec Maxime, la victime de cette agression, pour échanger avec lui et recueillir son point de vue. Je tiens d’ailleurs à le remercier de s’être déplacé malgré l’opération au nez qu’il a subie à la suite de cette agression.

Prise en charge

La première chose dont nous avons pu échanger est la prise en charge de son affaire, et je trouve cela très important. Il a pu être accompagné très tôt par un avocat qui l’a guidé dans cette démarche après l’agression.

Il a porté plainte. et on lui a demandé de passer un examen médical par un médecin légiste, qui par la suite lui a proposé d’être accompagné par des professionnels de santé, comme un psychologue. Je souligne ici l’importance de pouvoir se confier et d’échanger sur ce type d’événement ; c’est essentiel pour avancer et pour éviter de garder certains traumatismes pour soi.

Si cela est arrivé durant un trajet domicile-travail, vous serez couvert à 100 %, et votre assurance peut également prendre en charge les frais d’avocat si vous avez une couverture accidents de la vie ou une protection juridique pour vous accompagner dans les procédures (pénale, civile ou administrative).

Dans son cas, c’est aussi grâce à cet accompagnement qu’il a pu, après ces démarches, prendre le temps de contacter les médias pour faire parler de cette affaire.

MEDIA 4.08 – 9.03

Un autre point qui m’a interpellé: son agression a eu lieu le même jour que la mort de Paul Vary, mais elle n’a été relayée que bien plus tard. C’est pour cette raison que l’affaire n’a pas tout de suite pris de l’ampleur.

Maxime m’a expliqué qu’après avoir déposé plainte, il a décidé, accompagné d’un avocat, de contacter les médias pour médiatiser cette affaire. Contacter les médias après avoir déposé plainte est aussi très important, car cela permet de prendre le temps de formuler les faits point par point. Lors de votre dépôt de plainte, vous devrez détailler précisément le déroulé des événements. Ce travail facilite d’autant plus votre expression publique par la suite, avec davantage de recul, chose qui peut être difficile à faire tant que c’est encore très frais.

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Il est également important de penser à contacter les médias, car ils ne relayent souvent que ce qui est “visible,” c’est-à-dire ce qui parvient aux oreilles des journalistes. Il y a plusieurs façons pour une information de les atteindre, notamment par les réseaux sociaux comme Twitter, qui facilitent le contact avec les témoins, ou par des réseaux spécialisés comme l’AFP, ou encore, comme ici, en les contactant directement.

Si vous souhaitez que l’on parle d’un événement, il faut faire la démarche pour qu’il arrive jusqu’aux journalistes, ou que votre contenu (vidéo ou photo) soit suffisamment partagé pour attirer leur attention, comme cela a pu arriver pour une de mes vidéos qui a fini par capter l’attention des médias grâce à sa viralité.

En ce qui concerne les médias, ils jouent un rôle important dans le débat public. Récemment, la question de la violence routière a été largement abordée, et ce thème est de plus en plus médiatisé. C’est une bonne chose pour faire avancer les choses et proposer des solutions. Cependant, cela pourrait également donner l’impression que les conflits se multiplient et que la route devient plus dangereuse pour les cyclistes, créant ainsi un climat anxiogène.

Pourtant, les chiffres montrent que le nombre de victimes à Paris n’a pas augmenté, et que la sécurité sur nos routes n’a jamais été aussi bonne !

Je l’explique de deux façons. Premièrement, les journalistes eux-mêmes sont plus sensibilisés à ce mode de transport qu’ils utilisent au quotidien, et ils le considèrent de plus en plus comme un moyen de transport à part entière. Cela encourage une meilleure prise en compte de la parole des cyclistes. 

Deuxièmement, les victimes d’agressions routières se sentant présent aux sérieux vont plus facilement partager leur témoignages ce qui  permet de libérer la parole.

La route ne devient pas plus dangereuse ; au contraire, les nouveaux aménagements cyclables permettent d’améliorer la sécurité de ces déplacements. Je développerai ce point plus tard, mais il est clair que le vélo est enfin considéré aujourd’hui comme un véritable mode de transport. Une véritable bascule est en train de s’opérer !

https://cdn.paris.fr/paris/2023/11/21/paris_ra2022-securite-des-deplacements-6-pages-14-11-copie-StKw.pdf

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Altercation 

Pour revenir à cette agression, ce qui a le plus marqué Maxime, c’est le manque d’intervention des usagers autour de lui. Les gens regardaient, mais personne n’a réagi, à l’exception d’une femme qui s’est interposée pour arrêter le motard.

Malheureusement, cette situation en société est bien connue sous le nom d’effet témoin. Cet effet se manifeste dans des situations d’urgence comme celle-ci, où l’aide apportée à une victime est inhibée par la simple présence d’autres personnes sur les lieux. De façon contre-intuitive, plus il y a de personnes autour, moins il y a de chances qu’une aide soit apportée. Cela s’explique par un phénomène de dilution de la responsabilité : chacun se dit que quelqu’un d’autre finira bien par intervenir à sa place.

Pour casser cet effet, il est conseillé d’isoler une ou plusieurs personnes du groupe et de leur demander de l’aide en les désignant explicitement. Une fois qu’une personne intervient, d’autres suivront souvent par mimétisme.

Idéalement, en tant que témoin, n’attendez pas qu’on vous demande de l’aide. Le simple fait de vous rapprocher et de parler avec la victime peut casser cet effet témoin et encourager d’autres personnes à assister. Bien sûr, personne n’a envie de s’immiscer dans une altercation, mais personne n’aimerait non plus être laissé sans soutien dans une telle situation.

Témoins

Enfin, l’importance des témoins est essentielle. Malheureusement, dans son affaire, Maxime n’a pas de témoin officiel, même s’il m’a expliqué avoir échangé avec un conducteur de taxi et la conductrice d’une voiture qui a aidé à stopper l’agression après l’altercation. Il n’a cependant pas pu conserver leurs coordonnées. Heureusement, sa compagne a pu noter la plaque d’immatriculation du véhicule du motard, ce qui est un élément clé.

Si vous êtes victime ou témoin d’une situation similaire, il peut être très utile de noter non seulement la plaque d’immatriculation du véhicule impliqué, mais aussi celles des autres véhicules présents, car ils peuvent appartenir à d’éventuels témoins. Si vous assistez à une scène que vous jugez grave mais ne savez pas à qui transmettre l’information, vous pouvez déposer une main courante à la police, qui pourra rattacher votre témoignage à une affaire existante si nécessaire. De plus, il peut être intéressant de partager ces informations sur les réseaux sociaux ou dans les médias, surtout si vous avez des images ou vidéos, tout en faisant attention à respecter le droit de diffusion et le droit à l’image.

La vidéo reste l’un des témoins les plus objectifs, et elle peut apporter une aide précieuse pour éclaircir les faits.

Un choix pragmatique

Nous avons ensuite pu discuter de son mode de déplacement. Maxime est quelqu’un de pragmatique, qui choisit ses moyens de transport en fonction de leur coût et de leur efficacité. Pour les petits déplacements, il privilégie le vélo, tandis que pour les trajets plus longs ou pour transporter du matériel, il opte plutôt pour la voiture. C’est un point important, car il porte différentes « casquettes » en utilisant plusieurs modes de transport, y compris la moto. Ce manque d’empathie entre les usagers des différents modes est aussi quelque chose qui le touche beaucoup.

Même si le vélo reste pour lui le moyen de transport le plus adapté pour les petits trajets, il y a encore des zones problématiques, comme celle-ci, où il préférerait éviter de croiser des conducteurs de ce type.

Le cœur du problème, au-delà du comportement impatient du conducteur de scooter, c’est le manque d’aménagements sécurisés, qui l’a forcé à croiser sa route. En prenant le temps d’observer la zone, on constate qu’il n’y a malheureusement aucune possibilité de traverser via un aménagement sécurisé.

En regardant une vue aérienne, on voit qu’il y a très peu de solutions pour traverser cette porte. Le périphérique parisien représente une véritable scission. Les seuls itinéraires existants sont des passerelles inaccessibles aux cyclistes et aux personnes à mobilité réduite. Rappelons que nous sommes à côté de la Cité Internationale Universitaire de Paris, qui accueille 12 000 étudiants. Nous ne sommes pas en pleine campagne ! Les seuls aménagements cyclables se trouvent à plus de 700 mètres de chaque côté, obligeant à faire un détour par un itinéraire non protégé, puisque cela passe par une route départementale longeant le périphérique.

Ainsi, il ne reste que cet axe entre le cimetière et le stade pavé, sans autre solution pour franchir le périphérique. Peut-on améliorer la situation ici ?

https://www.linkedin.com/posts/loup-espargiliere_je-suis-intervenu-pour-prot%C3%A9ger-un-cycliste-activity-7254737497924988928-Dxt2

https://absolument-tout.net/accelerez

Intéressons-nous aux différentes voies

Nous avons ici une voie qui m’a vraiment surpris car elle semble aller complètement à contre-sens de la circulation. Alors, à quoi sert-elle ? En prenant un peu de recul, on comprend que cette voie ne sert qu’à… faire demi-tour pour rejoindre l’A6. Pourtant, il est déjà possible de rejoindre cette autoroute depuis le périphérique en amont, et même si l’on rate cet accès, on peut faire demi-tour plus loin, au niveau d’un rond-point particulier. Cet aménagement est donc redondant avec deux autres aménagements routiers et pourrait être reconverti en voie cyclable et piétonne continue. Actuellement, il crée deux ruptures avec l’aménagement piéton qui pourraient être évitées.

La fermeture de cette voie pourrait être envisagée, comme cela a été fait pour une bretelle de l’A6 où je suis actuellement en train de circuler. Fermée depuis 2014 en raison de sa dangerosité (la liaison avec le trafic se faisait par la gauche au lieu de la droite, avec une priorité peu claire), cette bretelle faisait doublon avec une autre à 1,7 km, arrivant au même point de sortie du périphérique. En résumé, cette voie supplémentaire n’était pas nécessaire et n’apportait que confusion.

De l’autre côté de cette chaussée, on a quatre voies de circulation qui se réduisent plus loin à trois, puis à deux, en arrivant à une intersection. Pendant mon tournage, j’ai observé qu’un conducteur était stationné ici sans causer de congestion, ce qui montre que cette voie est loin d’être indispensable. Un aménagement cyclable pourrait trouver sa place ici et continuer jusqu’au tramway pour permettre de rejoindre Paris sans toucher à la largeur des voies aux feux.

J’ai aussi pu observer du stationnement sur cette voie, qui pourrait être transformée en piste cyclable, car pour l’instant, les cyclistes utilisent le trottoir, ce qui crée des conflits avec les piétons. On peut y voir beaucoup de cyclistes en Vélib’, non parce qu’ils conduisent moins bien, mais parce que la station de Vélib’ est sur le trottoir sans accès proche à une piste cyclable.

De l’autre côté, il y a un espace qui pourrait accueillir un aménagement pour rejoindre le nouvel espace sous le pont, et ainsi créer une plateforme de bus déportée pour éviter les conflits entre cycles et bus.

Un autre point à repenser au niveau de l’intersection est cette voie située au centre de la chaussée, qui sert uniquement à permettre l’accès au parking. Son utilité est questionnable, étant donné qu’un rond-point pour faire demi-tour est présent à seulement 100 mètres. Supprimer cette voie réduirait les conflits et libérerait de l’espace pour tout le monde.

Concernant ce carrefour giratoire, il faudrait le réadapter pour permettre une circulation sécurisée des cycles. Actuellement, il n’y a que de la peinture, et il est dans un état déplorable. Ce giratoire est d’une complexité incroyable avec des feux à l’intérieur, des feux clignotants à l’extérieur, et d’autres feux permettant des croisements. Voici à quoi cela pourrait ressembler sans ces feux, en simplifiant les flux et en rendant les intersections plus fluides.

Enfin, il serait nécessaire de repenser les continuités cyclables le long de cette route départementale, car pour le moment, il n’y a aucun aménagement.

Voilà comment, après avoir repensé cet espace, on pourrait parvenir à un partage de la route plus équitable en répondant aux besoins de chacun et en pensant davantage à la mobilité active des piétons et des cyclistes.

Conclusion

J’espère que ce sujet poura apporte des piste de réflexion et que vous n’aurez jamais à être confrontés à une telle situation, mais si cela arrive sous vos yeux, ayez les bons réflexes. Nous ne pouvons plus rester passifs face à cette violence ; il est temps que les choses changent. Dans le meilleur des cas, faisons tout pour éviter de croiser la route de ces chauffards grâce à des aménagements adaptés pour chaque mode de transport. Pour cela, continuons à faire de la place aux modes actifs.

Je tiens à remercier les journalistes du Parisien pour les informations qu’ils ont partagées avec moi et pour avoir permis cette interview avec Maxime. Merci également à Maxime pour son témoignage.

Cette vidéo a été réalisée grâce à tous ceux qui soutiennent cette chaîne via les différentes plateformes, ce qui nous permet également de produire ce contenu sans compromis. Vous pourrez tous les retrouver au générique. Il est temps pour moi de vous dire à bientôt pour une prochaine vidéo !