Le 16ᵉ supprime illégalement une piste cyclable !

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Bonjour tout le monde ! Nous sommes dans le 16ᵉ arrondissement de paris, sur cette piste cyclable vraiment très sympa, apparue il y a quelques années avec l’arrivée du tram. Un vrai point positif… et pourtant, elle vient d’être supprimée comme ça, sans prévenir. Un joli « cadeau » de rentrée !

L’information a été relatée par Phileas Gatsby, qui a publié des images révélant la situation. Je me suis alors rendu sur place pour enquêter, et il faut qu’on en parle, parce que là, c’est vraiment n’importe quoi : le 16ᵉ est en roue libre.

Problèmes de signalisation et de circulation

Bon, faisons tout d’abord un point sur les changements.

Il y a donc une piste cyclable recommandée, puis, sans aucune déviation ni échappatoire pour les cyclistes, une zone piétonne apparaît au milieu de nul part 

Et je ne comprends pas pourquoi ils ont mis le panneau à gauche, alors que sur un double sens de circulation, la signalisation doit toujours être placée à droite pour s’appliquer aux conducteurs. Mais si je commence à chipoter sur chaque détail, on n’est pas près d’en finir, parce que…

 Un peu plus loin on peut voir un nouveau passage piéton… qui, bah, ne mène en fait nulle part, enfin si, dans un massif floral.

Rappelons quand même que sur une zone piétonne toute la voirie est accessible aux piétons et qu’il n’y a pas besoin de passage piéton vu que les piétons peuvent circuler partout sans Contrainte.. Il peut néanmoins y avoir des rappels pour les personnes à mobilité réduite ou malvoyantes :

  • Des points podotactiles annonçant le passage piéton : ici, il n’y en a pas.
  • Des lignes marquant la traversée, qui peuvent signaler une mise à niveau du trottoir avec la chaussée, sont présentes dans l’ensemble des zones piétonnes de Paris et ressemblent à cela, mais ici, elles sont absentes.
  • De plus, sur chaque côté d’un passage piéton, il doit obligatoirement y avoir des poteaux pour guider les personnes malvoyantes, la aussi ca doit être un oubli

Et puis le passage va directement… dans un massif. Je ne comprends pas le logique ici mais ce n’est que le début.

Car un autre problème avec la transformation d’une pistes en  zone piétonne

Cela va drastiquement complexifier la circulation des cyclistes, car concrètement, ce type de zone est principalement destiné à la desserte locale.

L’objectif d’une telle mesure est justement de limiter le trafic de transit motorisé et cycles, afin de laisser au maximum cet espace aux piétons et de le rendre sécurisé. Les cyclistes y restent autorisés, mais uniquement à l’allure du pas, ce qui au vu du trafic ici ne peut pas fonctionner ici au vu de l’importance de cet axe cyclable que je développerai un peu plus tard. 

Enfin, le Code de la route précise que la fin de la zone piétonne doit être indiquée. Or, ici… Le seul panneau apparaît à la fin de la zone. Oui, vous avez bien vu : un panneau “fin de zone 20” et en plus il est placé côté gauche de la chaussé…

Bon, là aussi, il va falloir faire un point sur ce panneau ZONE 20.

La zone 20, aussi appelée « zone de rencontre », laisse entendre que les conducteurs de véhicules motorisés peuvent circuler librement ici. Seuls quelques pictogrammes vélo au sol indiquent une circulation cyclable, mais rien ne précise qu’il s’agit d’un aménagement réservé aux cyclistes. Aucun filtre modal ni poteau n’empêche un véhicule d’accéder à cet espace, alors que de tels dispositifs existent ailleurs, par exemple à la sortie de certains parkings, justement pour éviter que des véhicules circulent sur les pistes cyclables.

Pour rappel : une rue vélo a exactement le même type de logos au sol. La présence de vélos peints au sol seule ne signifie pas que la voie est réservée aux cycles.

Je ne souhaite pas donner de mauvaises idées aux conducteurs mais rien de leur interdit de le faire… car la signalisation est vraiment plus que discutable.

Autre point : dans une zone de rencontre, les piétons sont seulement autorisés à circuler sur la chaussée sans y stationner. Nous sommes donc face au premier trottoir au monde où les piétons n’ont pas le droit de s’arrêter

Le seul panneau qui aurait pu avoir sa place, la “voie verte” qui existait avant dans le parc pour permettre la traversée à vélo, a purement et simplement disparu, là aussi sans aucune explication valable.

Et ce n’est pas fini : le clou du spectacle, ce sont les ralentisseurs illégaux. Ils ont été installés à l’entrée du stade JP Wimille par l’association de football du stade, sans aucune autorisation.

Et surtout, ce n’est absolument pas le bon type de ralentisseur pour un aménagement cyclable : celui-ci est destiné à la circulation automobile pour limiter la vitesse à 5-10 km/h sur voie privé comme indiqué sur la fiche produit.

Le placer ici est vraiment dangereux pour les cyclistes et les trottinettes edpm , d’autant plus qu’il n’est pas signalé en amont. J’ai moi-même eu un accident à cause de l’un d’eux et j’ai fini à l’hôpital, car la roue avant butte dessus provoquant la chute par l’avant. 

L’association Paris en Selle avait déjà signalé cette anomalie à Jérémy Redler, maire du 16ᵉ arrondissement, dès octobre 2024. Celui-ci avait alors assuré que les dispositifs seraient retirés en juin, avec en parallèle l’installation d’un passage piéton et un renforcement de la signalisation.
Un an plus tard, le passage piéton est bien en place… mais les ralentisseurs sont restés.

J’en profite pour rappeler à quel point il est important de prendre le temps de signaler ce genre de problèmes, et de soutenir ses associations qui œuvrent pour une ville plus sûre. C’est aussi grâce à votre soutien financier, via les différentes plateformes de dons, que je peux continuer ce travail : documenter ces situations, chercher des solutions, échanger avec les acteurs locaux et vous proposer ces enquêtes.
Merci à toutes celles et ceux qui rendent cela possible : c’est ensemble que nous pouvons espérer construire des rues plus sûres et plus agréables pour toutes et tous.

.https://www.panostock.fr/equipement-exterieur-et-amenagement-de-parking/242-ralentisseur-routier-pour-voies-privees-5-a-10-kmh.html 

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039277970

Il reste néanmoins important de s’interroger sur les problématiques qui ont conduit à ces changements. Ces modifications ne sont pas là simplement pour embêter les usagers, elles cherchent surtout à corriger, au moins en partie, une mauvaise réalisation du projet du a pas mal de compromis.

D’une part, le positionnement de la piste cyclable, trop proche du bâti, crée des problèmes pour la traversée des piétons. La visibilité est difficilement anticipable et, dès qu’ils sortent, cela génère un risque. J’avais d’ailleurs pu filmer cette situation : ce n’est loin d’être idéal pour la sortie des enfants, qui se retrouvent instantanément sur une piste cyclable, sans aucune protection ou adaptation.

  • mettre en valeur la traverser avec un passage surélevé
  • ou une réduction de la largeur de la voirie lors de ses passage c’est ce que l’on peut par exemple le long des zones de bus ca permet d’encourager un meilleur respect des piétons 

mais ça ne vient pas résoudre le problème du conflit piéton cycliste vu que les deux se retrouvent maintenant au même endroit bah oui il y a des passages piétons mais ca reste une zone piétonne c’est absurde .

Une autre solution à envisager serait d’améliorer la qualité du sol pour les piétons  étant donné qu’il s’agit de sol stabilisé, ce n’est pas agréable pour les piétons et encore moins pour les personnes à mobilité réduite, qui préfèrent donc circuler sur la piste cyclable. 

la solution serait donc d’améliorer l’espace piéton :

  • ajouter des dalles pour offrir un espace confortable on peut voir un joli exemple dans un parc bordant justement cet espace
  • Et marquer clairement la séparation entre aménagement cyclable et espace piétonnier.

Mais cette solution se heurte à un autre problème : elle rapprocherait la circulation des piétons du tram, car il n’y a ici aucune zone tampon entre le tram et les piétons. Cela oblige les conducteurs de tram à être beaucoup plus vigilants et à ralentir. 

En revanche, sur un site propre, ils pourraient augmenter la vitesse commerciale. Diriger les piétons vers l’aménagement cyclable, que l’on transforme en zone piétonne, permet de créer une zone tampon. Cela résout le problème et permet au tram de circuler plus rapidement dans cette zone, en réduisant les conflits entre piétons et tram. 

Mais au final, on se retrouve avec :

  • une privatisation de l’espace pour les piétons,
  • une privatisation de l’espace pour les cyclistes,

Et toutes ces solutions n’en sont pas. Ce n’est qu’un faux dilemme qui se concentre uniquement sur une option : repenser l’usage des espaces piétons et cyclistes, sans prendre en compte la voirie dans sa globalité, et en supprimant l’aménagement cyclable. On peut alors se poser la question : le 16ᵉ peut-il vraiment faire ça ?

Peut-on supprimer une piste comme ça en cas de conflit entre piétons et cyclistes ?

Eh bien… non, pas du tout. Surtout si cet aménagement cyclable fait partie d’un axe important.
En effet, selon la loi LAURE :

« Tout travaux sur la voirie modifiant la circulation doivent prévoir une solution pour les cyclistes. »

Ici, il s’agit d’une modification de signalisation sur un axe cyclable majeur : la V10 du réseau cyclable Vif, et il n’existe aucune alternative pour les cyclistes.

Toute modification de voirie doit être formalisée par un arrêté municipal ou préfectoral, selon la compétence de l’autorité gestionnaire de la voie (articles L2212-2, L2213-1 et R228-2, R411-1 à R411-8 du Code général des collectivités territoriales et du Code de la route). Dans notre cas, il s’agit donc d’un arrêté municipal.

Je suis donc allé à la mairie du 16ᵉ arrondissement pour vérifier : toute modification de voirie doit être affichée. Après avoir scruté les documents et interrogé différents services… rien. Cette modification n’a aucune base légale. Elle aurait même été refusée si elle avait été officiellement proposée. C’est peut-être pour ça qu’elle n’a jamais été formalisée. 

Et c’est justement là que la loi LAURE  prend toute son importance, car elle permet d’éviter ce faux dilemme et de réfléchir à des solutions plus larges, que je vais développer juste après. 

Mais, comme on peut le constater meme dans la gestion des zones en travaux, il n’y a aucun doute sur le manque de considération pour la circulation des cyclistes. C’est honteux de voir ça.

L’association Paris en Selle, avec qui j’ai échangé, est d’ailleurs en discussion avec le maire du 16ᵉ et envisage de porter cette affaire devant le tribunal administratif, afin d’obliger la collectivité soit à rétablir l’aménagement précédent, soit à proposer une solution réellement sécurisée pour piétons et cyclistes.

Un point à souligner c’est qu’en cas d’accident, si un cycliste percute un piéton sur ce nouvel aménagement, la collectivité peut être tenue responsable ou la personne qui a mis en place cet aménagement sur la voie publique. Même en cas de chute sans tiers impliqué, un cycliste ou un piéton peut réclamer réparation, précisément parce que l’aménagement n’est pas légal.

https://www.grandlyon.com/fileadmin/user_upload/media/pdf/voirie/20190621_guide-amenagement-cyclable.pdf

https://fr.scribd.com/document/511001672/Cerema-Fiche-3-Tramway-dans-la-circulation-generale

https://aveuglesdefrance.org/app/uploads/2020/10/Fiche-de-preconisation-amenagements-dune-ligne-de-tramway.pdf

https://www.paris.fr/pages/premiers-tours-de-roue-pour-le-tramway-t3b-prolonge-25584

https://www.artemisia-lawyers.com/fran%C3%A7ais/publications-et-interventions/20-ans-apr%C3%A8s-la-loi-laure-la-lom-revisite-les-obligations-d-am%C3%A9nagement-d-itin%C3%A9raires-cyclables

https://balise.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Balise/0065/Balise-0065883/F02_IUTCS_Tramway-pietons_WEB.pdf

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039784686

https://observatoire-vif.velo-iledefrance.fr/#route/V10

Et justement un recours légal aurait pensé à réfléchir plus largement pour une autre approche

Obliger à penser la voirie dans sa globalité.

Actuellement, au niveau de cette rue, on a :

  • L’espace piétonnier, ici et là,
  • La piste cyclable, neutralisée par certaines contraintes,
  • La voirie motorisée, et le stationnement.

Une solution possible serait de créer une continuité cyclable sur un côté, ce qui aurait plus de sens en simplifiant les accès et sorties et permettrait de réorganiser les flux. Il faudrait alors améliorer les connexions, les rendant plus naturelles pour les cyclistes notamment au niveau de porte maillot et porte dauphine . Ce n’est pas l’aménagement idéal, mais c’est une solution pour éviter les conflits entre piétons et cyclistes et sécuriser la circulation des deux parties.

Et pour ceux qui se posent la question de la suppression des quelques 100 places de stationnement à proximité, il existe plusieurs parkings, dont le parking Indigo Paris Porte Maillot, qui propose 1 400 places réparties sur 6 niveaux, avec 548 bornes de recharge pour véhicules électriques.

Aujourd’hui, le taux d’occupation des parkings souterrains à Paris a diminué au fil des années : il est passé de 56 % en 2014 à 42 % en 2019, et certains ouvrages atteignent encore seulement 36 % l’année dernière. Ces espaces de surface précieux pourraient donc être utilisés autrement que pour du « stationnement mort ».

Ces parkings sont principalement résidentiels, donc peu utilisés pour le commerce ou le tourisme. Cela signifie que l’espace sur voirie peut être redistribué : on pourrait ainsi donner beaucoup plus de place aux piétons, avec seulement une légère contrainte pour les cyclistes, sans pénaliser les conducteurs ni impacter la fluidité de la circulation.

Vers une voirie cohérente et sécurisée

Ce sujet met en lumière un point complètement négligé par le 16ᵉ arrondissement : lorsqu’il existe des conflits entre usagers, vouloir réduire encore l’espace pour les faire cohabiter ne résout rien.

Au contraire, redonner de l’espace à chacun, avec un parcours sûr et confortable, permet un meilleur respect des aménagements. Il est également impensable de couper ou d’interrompre la continuité cyclable, notamment sur la V10 du réseau Vélo Île-de-France.

L’objectif est de retrouver un équilibre entre mobilité douce, circulation motorisée et confort des piétons, tout en respectant la réglementation et en évitant de créer de nouvelles situations à risque.

https://www.indigoneo.fr/fr/parkings?service=subscription&vehicleType=car&searchText=Rue%20Weber%2C%20Paris%2C%20France&longitude=2.2814093&latitude=48.8753755