https://www.instagram.com/yannmael_
Bonjour à tout le monde
Le jeudi 25 septembre, dans le 11ᵉ arrondissement de Paris une cycliste de 30 ans a été percutée par le conducteur d’un camion-poubelle âgé de 57 à l’angle du boulevard Voltaire et de la rue Jean-Pierre Timbaud,
D’après les premiers éléments rapportés par TF1, la cycliste serait passée au feu rouge. J’utilise bien le conditionnel, car certains témoignages indiquent le contraire et l’enquête est toujours en cours.
Et ce qui m’a poussé à creuser ce sujet, c’est un message hâtif publié à la suite à cet accident par Yann-Mael Larher, conseiller municipal à Boulogne-Billancourt. Il écrivait :
« Aucune infrastructure, aussi avancée soit-elle, ne protège si l’on ne respecte pas les règles. Ignorer un feu rouge, c’est s’exposer à un risque mortel face à des véhicules qui ne peuvent pas toujours anticiper. »
Sous-entendu : ici, tout est déjà parfaitement aménagé, et rien ne pourrait être amélioré.
Sauf que… je suis allé sur place. Et ce que j’ai observé raconte une toute autre histoire.
Dans cette vidéo, je ne vais pas revenir en détail sur l’accident lui-même, mais plutôt analyser l’aménagement de ce carrefour. Est-il réellement clair ? Protège-t-il vraiment les usagers les plus vulnérables ? Et surtout : en quoi quelques détails d’urbanisme peuvent faire une énorme différence pour la sécurité de tous ?
CODE DE LA VOIRIE
En me rendant sur place et en arrivant depuis République, la première chose qui m’a surpris, c’est tout simplement l’absence de feu pour les cyclistes. Ici, ce feu est placé à gauche, mais il ne s’applique pas aux cyclistes qui circulent sur l’aménagement cyclable comme moi.
Pour comprendre ce fonctionnement, on peut se référer à “L’INSTRUCTION INTERMINISTÉRIELLE SUR LA SIGNALISATION ROUTIÈRE la 6 ème PARTIE : Feux de circulation permanents (page 21) soyons précis!
Et il est expliqué qu’un feu doit toujours être implanté à droite du couloir de circulation, sauf s’il est répété. Or, l’aménagement cyclable représente bien un couloir dédié de circulation : il aurait donc dû être équipé d’un feu spécifique.
Un autre indice confirmant que les cyclistes n’ont pas de feu, c’est l’absence de feu piéton pour traverser l’aménagement cyclable. Cette situation est d’ailleurs mal comprise par les cyclistes eux-mêmes, car de façon assez absurde même si le feu à gauche est vert, ils doivent laisser la priorité aux piétons qui s’engagent sur ce passage précis.
On retrouve d’autres cas de figure sur ce même boulevard, un peu plus loin ici c’est plus clair l’aménagement longe ce passage piéton et ni les cycles ni les piéton un un feu pour la traverse
Et pour les plus observateurs la présence ou l’absence de ce feu piéton change beaucoup de choses dans le fonctionnement de l’intersection.
Dans ce sens sur le boulevard Magenta, où les cyclistes passent également du côté gauche du feu cette fois un feu dédié pour les piétons et les cycles, appelé feu mixte. Ce type de signalisation vient en réalité confirmer un article du Code de la route.
https://equipementsdelaroute.cerema.fr/IMG/pdf/iisr_6epartie_vc_20220613_cle2a3ec5.pdf
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039478725
CODE DE LA ROUTE
L’Article R412-30
Lorsqu’une piste cyclable ou une trajectoire matérialisée pour les cycles, signalisée en [..] traversant la chaussée est parallèle et contiguë à un passage réservé aux piétons dont le franchissement est réglé par des feux de signalisation lumineux, tout conducteur empruntant cette piste ou cette trajectoire matérialisée est tenu, à défaut de signalisation spécifique, de respecter les feux de signalisation réglant la traversée de la chaussée par les piétons.
Et pour reprendre notre feu du début, il faut mener une véritable enquête pour savoir si, même en l’absence de feu, les cyclistes doivent quand même s’arrêter.
Ici, la traversée est marquée par des chevrons. Donc, les cyclistes qui veulent traverser tout droit doivent attendre que le feu piéton passe au vert pour Magenta c’est encore plus clair et c’est surement pour cela qu’un feu mixte a été ajouté.
Mais cette configuration n’est pas la même partout sur le boulevard bah non ca serait trop simple par endroits, il n’y a pas de chevrons ni de marquage spécifique pour les cycles. Et donc dans ce cas précis, les cyclistes ne sont soumis à aucun feu au sens du Code de la route. et donc ici en l’absence de signalisaiton spécifique pour les cycles c’est la priorité a droit qui s’applique .
Pour récapituler sur l’ensemble du boulevard, les cyclistes roulent sans feu spécifique, et s’adaptent au feu piéton et changement de marquage sauf sur un feu très de ce boulevard là où a eu lieu l’accident ici c’est le seul endroit ou l’on retrouve ce feu a droit et qu’il n’y a pas de couloir de cycle dédié.
ce choix a été fait pour conserver la possibilité au véhicule de tourner à droite
Ici, il y a un feu un peu particulier.
En réalité, son fonctionnement crée des situations tellement délicates qu’un cycliste est parfois… plus en sécurité en traversant au rouge qu’au vert.
Pourquoi ? Parce qu’au vert, il risque surtout de se faire couper la route par les conducteurs qui tournent.
Le panneau M12, lui, n’autorise aujourd’hui les cyclistes à franchir le feu rouge qu’en allant à droite. Et pour rappeler la dangerosité de l’endroit, le feu piéton reste rouge quand le feu des véhicules motorisés passe au vert : c’est une protection évidente pour éviter qu’un piéton ne se fasse renverser par une voiture qui tourne.
Dans cette configuration, le feu pourrait donc bénéficier d’un M12 « tout droit et à droite ». D’autant que, de fait, je peux déjà réaliser cette manœuvre, aussi absurde que cela puisse paraître : au rouge, je pars à droite, puis je tourne aussitôt à gauche, puis encore à droite… juste pour aller tout droit !
L’idéal serait tout de même d’ajouter un feu vélo ici. Car un cycliste lent peut, malgré lui, avoir franchi le premier feu au vert, puis se retrouver bloqué devant ce deuxième feu rouge au milieu de l’intersection. Comme l’intersection est longue, cette situation est courante.
On retrouve d’ailleurs un exemple similaire sur ce boulevard, où il a été décidé d’installer un M12 « tout droit » : cela permet aux cyclistes d’avancer dans le carrefour, puis de le franchir une fois qu’il n’y a plus de véhicules en conflit, sans avoir à respecter le feu piéton. Et cela se comprend bien ici, puisque la piste cyclable n’a ni chevrons ni continuité marquée.
panneaux M12
Et justement, à propos de ces panneaux M12 : leur implantation, sur beaucoup d’intersections, est assez hasardeuse.
Bon, déjà, j’en ai profité pour les nettoyer et vérifier qu’aucun autocollant n’était collé dessus — on ne sait jamais !
J’avais déjà pu développer ce sujet dans une autre vidéo. Si vous ne l’avez pas vue, je vous la conseille vraiment : j’y détaille un arbre de décision pour comprendre la logique d’implantation de ces panneaux.
Et d’ailleurs, profitez-en pour vérifier que vous êtes bien abonnés, et merci à tous ceux qui l’ont fait récemment : la chaîne approche rapidement des 100 000 abonnés, un palier symbolique qui permet de donner plus de visibilité aux solutions d’aménagement garantissant davantage de sécurité pour tous les usagers !
Pour revenir aux M12, dans cette intersection, si on regarde de plus près, on se rend compte que c’est loin d’être clair.
Sur ce feu, il y a bien un panneau M12 à droite… mais à droite, il n’y a aucun aménagement cyclable. Et juste à côté, sur deux autres feux, où il existe effectivement une continuité cyclable, eh bien… il n’y a aucun panneau M12. Alors que ce sont précisément les endroits les moins risqués pour autoriser ce type de franchissement !
Bref, voilà pour le point sur la signalisation et tout ce qui pourrait déjà être amélioré à ce niveau. Mais vous allez voir qu’il y a encore beaucoup plus à faire pour améliorer la sécurité des usagers.
Le camion, vigilance
En ce sens, je voudrais revenir sur les infractions et sur le respect des règles : tous les usagers doivent faire preuve d’une vigilance accrue en franchissant un feu de circulation, quelle que soit sa couleur.
Comme je le disais dans un précédent sujet, il sera toujours moins dangereux pour un cycliste de franchir un feu rouge équipé d’un M12 en faisant de bons contrôles, que de s’engager dans un feu vert sans vérifier.
Et en tant que conducteur, un feu vert n’a jamais supprimé l’obligation d’être attentif. Le Code de la route le rappelle d’ailleurs : le feu vert autorise simplement à passer… à condition que l’intersection soit dégagée.
Alors, dire « ignorer un feu rouge, c’est s’exposer à un risque mortel face à des véhicules qui ne peuvent pas toujours anticiper », c’est rappeler une évidence. Mais le vrai problème, c’est qu’on accepte qu’un véhicule potentiellement mortel circule en plein milieu urbain sans jamais remettre en cause sa dangerosité.
C’est finalement devenu « normal » qu’une voirie soit dangereuse, au lieu de s’interroger sur la pertinence de laisser ce type de véhicule y circuler.
Car il faut être clair : les camions sont très, très souvent impliqués dans des accidents mortels, principalement à cause de leurs innombrables angles morts. Et même avec toute la vigilance possible, le conducteur reste limité par son outil de travail. Autoriser leur présence en l’état, c’est accepter que ces situations se reproduisent.
Il est important de reposer la question de la place de ces véhicules en ville et de prendre des mesures de sécurité adaptées. Par exemple, l’ajout de caméras pour contrôler les angles morts n’est vraiment pas une technologie hors de portée. Pour preuve : j’ai même une caméra sur mon vélo pour voir ce qui se passe derrière moi — et je vous la présenterai la semaine prochaine.
Ces éléments, combinés à un freinage automatique, devraient être obligatoires sur ces engins. À défaut, leur accès aux centres-villes devrait leur être interdit.
Et pour revenir à ce carrefour : malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’un accident se produit ici. On recense déjà 7 accidents en 6 ans dans cette zone.
À ce propos, merci à Loïc Bertrand pour son outil (lien en description), qui est très pratique pour repérer les zones à risque et les antécédents d’accidents et justement comment faire pour limiter ses risques ?
Itinéraire cyclable
Pour cela, il faut identifier les itinéraires cyclables et vérifier si chaque axe est sécurisé, notamment au niveau des traversées et des virages. On peut voir, par exemple, que le double-sens cyclable proposé ici est vraiment très limite : il n’y a aucune séparation physique, les cyclistes doivent circuler le long des véhicules motorisés, et la situation est assez impressionnante lorsqu’on arrive face à une voiture.
Le minimum serait d’ajouter, pour protéger cette traversée, des séparateurs et des îlots en amont. Ces îlots pourraient également accompagner les différentes traversées.
Idéalement, il faudrait déplacer le stationnement afin de placer les cycles à sa droite. Cela aurait aussi l’avantage de pousser les conducteurs à réduire naturellement leur vitesse. Car, malgré la limitation à 30 km/h, la vitesse des usagers reste excessive ici. Je pense que c’est en partie dû au fait que cette rue est utilisée comme raccourci pour éviter de traverser la place de la République — mais j’y reviendrai.
Une fois ce changement effectué, l’ajout de protections dans les virages permettrait d’éviter les trajectoires trop serrées, grâce à de petits îlots en amont. En plus de cela, les trottoirs pourraient également être avancés au niveau des intersections. En effet, ce virage large que vous voyez ici est un indicateur de la vitesse à laquelle les conducteurs peuvent tourner : plus l’angle est ouvert, plus il est possible de le prendre rapidement. Maintenant que la rue est limitée à 30 km/h, elle pourrait être réagencée.
Avec toutes ces adaptations, on verrait que l’aménagement cyclable progresse naturellement dans les intersections. Ce serait également l’occasion, lors de ce réaménagement, d’installer un séparateur physique à cet endroit, ce qui éviterait le stationnement sauvage dans le carrefour. Ce stationnement, en plus de cacher la traversée piétonne, est tellement récurrent qu’il est régulièrement visible sur Google Street View.
Dans ce sens, prévoir une solution de stationnement pour les livraisons dans la rue Jean-Pierre Timbaud, juste à côté, permettrait d’éviter cette situation. Il faut noter qu’avant le réaménagement, il y avait ici une place de livraison qui a été recréée, mais peut-être un peu trop loin, et surtout sans faciliter l’accès au trottoir pour les livreurs. J’entre dans les détails, mais justement : anticiper l’ensemble de ces points et faciliter l’accès à chacun est un vrai coup de pouce pour encourager les bons comportements, et ainsi limiter les mauvais.
Plan de quartier
L’approche que je viens de présenter ne modifie pas le plan de quartier : elle s’adapte simplement à la circulation existante. Mais il est possible d’aller beaucoup plus loin dans le réaménagement, en repensant entièrement l’organisation du quartier.
**« En repensant le plan du quartier, modifier le sens de circulation de cette rue permettrait de supprimer l’espace situé au niveau de ce triangle, qui ne sert aujourd’hui qu’à accéder à cette rue dans ce sens. Cela limiterait une zone de risque pour les piétons et les cyclistes.
Au niveau de la rue Jean-Pierre Timbaud, actuellement utilisée comme raccourci pour éviter la place de la République, le filtre mis en place pour la réserver aux bus n’est pas suffisamment restrictif. Les GPS recommandent encore d’y passer. Une approche possible serait donc de limiter l’accès uniquement aux bus en fin de rue, obligeant tous les autres véhicules à tourner à droite. Cela n’impacterait pas la circulation générale et supprimerait totalement l’intérêt d’utiliser cette zone comme raccourci.
Par ailleurs, ce secteur a récemment été réaménagé pour renforcer la sécurité des usagers : auparavant, il n’y avait qu’un simple passage piéton. Désormais, un trottoir traversant a été créé, permettant aux piétons de poursuivre leur chemin sur le trottoir sans interruption. »**
Je n’ai pas besoin d’aller bien loin pour vous montrer un exemple : sur cette même rue, en continuant, on trouve déjà un très bon exemple de trottoir traversant. Ici, il n’y a plus de passage piéton classique, mais un trottoir qui continue naturellement. Avant, ça ressemblait à ça, et maintenant les piétons peuvent se déplacer beaucoup plus facilement et en sécurité.
Ce choix a d’ailleurs été influencé par la présence d’un collège, dans le cadre du projet « rues aux écoles » dont j’ai déjà parlé.
Ce changement de sens de circulation pourrait également être réalisé de l’autre côté de la rue. Cela permettrait de supprimer une partie du carrefour triangulaire, d’éviter aux piétons une traversée en deux temps, et d’avancer les feux pour les cyclistes.
Avec une vue du ciel, on peut identifier l’ensemble des points d’amélioration possibles pour renforcer encore la sécurité des usagers : donner plus de place aux cyclistes et aux piétons, tout en permettant toujours aux livreurs et aux personnes ayant absolument besoin de leur véhicule de continuer à circuler.
—
Et c’est important de rappeler une chose : dire qu’aucune infrastructure ne protège si l’on ne respecte pas les règles est absurde. Car c’est justement l’infrastructure qui définit les règles. Si elle est mal conçue, les règles seront mal respectées.
Un aménagement doit donc être pensé de façon à offrir des solutions claires, agréables, non pénalisantes, et faciles à suivre pour les usagers. Car si un aménagement est mal conçu, il sera forcément mal utilisé.
Conclusion
et j’espère qu’un jour cette approche que je fais avec cette vidéo soit systématiquement mise en place à la suite d’un accident grave ou mortel, afin de voir si l’aménagement peut être amélioré de façon temporaire ou permanente pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise.
car il faut le rappeler cet accident n’est que la partie émergée de l’iceberg au quotidien selon les lieu des dizaine de presque accident ou accrochages mineurs on lieu qui, eux, ne sont pas rapportés et ne permette pas de prendre la mesure de la dangerosité de l’aménagement.
C’est pour cela que j’insiste : si vous constatez qu’un carrefour est dangereux, si vous vivez un « presque accident », filmez-le et prenez le temps de le signaler à votre ville. C’est essentiel pour qu’elle en ait connaissance et puisse agir. Car si vous avez échappé à la collision, c’est peut-être grâce à votre expérience, vos réflexes, un coup de chance, ou « l’alignement des planètes ». Mais malheureusement, d’autres n’auront pas cette chance. Un meilleur aménagement peut réduire ces risques. J’espère que ce sujet contribuera à cette prise de conscience.
Je tiens enfin à remercier tous ceux qui soutiennent la chaîne Altis Play via leurs dons, qui me permettent de travailler à plein temps sur ces vidéos. Un grand merci aussi à Frédéric Kroff, qui m’a signalé cette actualité et permis de réaliser ce sujet, ainsi qu’aux relecteurs qui m’aident à corriger les fautes — vous pouvez d’ailleurs les retrouver sur Discord.
Il est temps pour moi de vous dire à bientôt, pour de prochaines vidéos.