Bonjour tout le monde ! Il y a quelques jours, Rachida Dati était face aux auditeurs d’RTL. J’ai donc pris le temps de m’intéresser à chacun des points abordés sur la mobilité, afin d’en analyser les impacts et les enjeux. Vous pourrez retrouver l’intégralité de l’émission dans la description de la vidéo.
Je me suis concentré uniquement sur cette thématique et si ce format vous intéresse, j’essaierai de le reproduire pour chacun des candidats à la mairie de Paris.
Taxer l’entrée des véhicules dans les centres-villes : le péage à Paris
Rachida Dati a évoqué la mise en place d’un péage urbain à Paris, en citant Londres et Berlin comme exemples. Cependant, ces trois villes disposent déjà de systèmes d’accès limité, mais fonctionnant de manière différente.
Berlin
À Berlin, il n’existe pas de péage urbain à proprement parler. La ville applique une zone à faibles émissions (ZFE) : seuls certains véhicules moins polluants peuvent circuler. En France, la loi d’orientation des mobilités (LOM) d’août 2021 rend obligatoire la mise en place des ZFE dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants avant le 31 décembre 2024.
À Paris, cette mesure a contribué à réduire localement la concentration de polluants, même si celle-ci reste supérieure aux recommandations de l’OMS. Cette approche a donc un intérêt pour limiter la pollution, mais elle impacte particulièrement les foyers modestes qui ne peuvent pas se permettre de posséder un véhicule récent.
Londres
À Londres, la situation est différente. La ville a mis en place un péage urbain, la London Congestion Charge, qui couvre une zone comparable au centre de Paris. Ce péage ne limite pas l’accès selon le type de véhicule, mais taxe tous les véhicules.
Il n’y a pas de barrières physiques : des caméras lisent les plaques à chaque entrée et sortie. La charge s’applique du lundi au vendredi de 7 h à 18 h, et le week-end de 12 h à 18 h, hors jours fériés.
Certains véhicules sont exemptés : électriques, deux-roues motorisés, certains hybrides et véhicules pour personnes à mobilité réduite. Le tarif est de 15 £ par jour, payable en ligne, avec une amende pouvant atteindre 160 £ en cas de non-paiement.
Malgré une légère baisse de la congestion et de la pollution globale, la pollution au NO₂ a augmenté. Cela montre les limites de ce type de politique : dans un premier temps, elle décourage certains conducteurs, principalement les plus modestes, mais ceux qui peuvent payer continuent de rouler, parfois avec des véhicules plus polluants.
New York City
À New York, le péage urbain est associé à un réinvestissement direct dans les transports publics, comme le métro de Manhattan. Cependant, cette approche reste problématique car elle impacte surtout les populations les plus précaires. Elle génère un effet rebond : certains conducteurs abandonnent leurs trajets, mais d’autres en profitent, et la circulation ainsi que la pollution finissent par remonter.
Paris : zones à trafic limité
Une autre approche consiste à limiter l’accès des véhicules selon leur destination, comme dans les zones à trafic limité (ZTL) testées à Paris. Ici, les usagers qui ont besoin d’accéder à la zone peuvent y entrer librement, mais ceux qui ne font que la traverser ne le peuvent pas.
Pour l’instant, c’est encore en phase de test : traverser la zone sans raison valable peut coûter 135 € d’amende, ce qui contribue à limiter drastiquement le trafic, fluidifier les trajets intra-muros et réduire la pollution dans l’hyper-centre. Cependant, cette limitation peut déplacer la circulation vers le périphérique et les grands boulevards qui contournent la zone.
Position de Rachida Dati
Rachida Dati souhaite supprimer toute contrainte sur la circulation des voitures, permettant de traverser librement Paris. Cela risquerait de réintroduire la congestion, avec un effet similaire au trafic induit ou paradoxe de Braess : si un itinéraire plus avantageux est créé, il attire plus d’usagers au lieu de fluidifier la circulation.
Un exemple récent : l’élargissement d’une voie sur l’axe d’alexandrie, destiné à réduire la congestion, a finalement attiré davantage de voitures, aggravant le problème. La solution consiste à multiplier les alternatives de déplacement et diversifier les itinéraires pour limiter cet effet.
La place du piéton à Paris
Ensuite, Rachida Dati évoque la réorganisation de la ville, notamment la place du piéton.
C’est une très bonne chose : aujourd’hui, le piéton à Paris et en France reste l’usager le plus exposé aux accidents routiers. En 2024, à Paris, il représentait la majorité des victimes sur la route : 14 piétons ont perdu la vie, très majoritairement percutés par des véhicules motorisés.
Malheureusement, il n’a pas été précisé comment cette protection des piétons sera concrétisée. S’agira-t-il de :
- créer de nouvelles zones piétonnes,
- limiter la circulation des véhicules motorisés,
- renforcer les aménagements urbains avec feux adaptés, ralentisseurs et passages sécurisés ?
Le problème, c’est que certaines mesures semblent contradictoires : sécuriser les piétons tout en fluidifiant la circulation automobile paraît difficile à concilier.
La question des transports en commun
Il est aussi important de parler des transports en commun, car un piéton à Paris dépend largement de leur efficacité. Dans la capitale, 80 % des déplacements se font en transports en commun. Or, leur attractivité reste limitée à cause de :
- la promiscuité,
- l’état général du réseau,
- l’accessibilité insuffisante, notamment dans le métro, encore difficile d’accès pour de nombreuses personnes.
Même si la place du bus commence à s’améliorer grâce à de nouvelles voies dédiées, il reste une énorme marge de progression pour rendre ces transports plus confortables, ponctuels et attractifs. Le transport collectif reste le mode le plus utilisé par les Parisiens et le plus capable de transporter des millions de passagers chaque jour, ce qu’aucun mode individuel ne pourra jamais égaler.
Je suis donc curieux de voir quelle sera la place réelle des piétons dans cette future réorganisation de Paris.
Le plan de circulation à Paris
Rachida Dati évoque ce qu’elle désigne comme un « chaos» et pas un plan de circulation; il sagi en réalité d’une approche qui vise volontairement à couper les axes de transit.
À Paris, certains axes centraux sont volontairement limités pour réduire le trafic de transit. Avec l’avènement des GPS, les automobilistes ont tendance à éviter les grands axes pour se rabattre sur de petites rues afin de traverser la ville plus rapidement. Cela transforme des voies initialement destinées à la desserte locale en véritables axes de transit.
L’objectif d’un plan de circulation n’est pas de créer le chaos, mais de concentrer le trafic de transit uniquement sur les axes dédiés, comme les boulevards et avenues, et non sur les petites rues. Ces axes sont pensés pour garantir une fluidité maximale, avec par exemple des systèmes comme les ondes vertes : une coordination des feux qui permet au flux automobile de se déplacer de manière continue, réduisant les arrêts et les ralentissements.
Les bus et la fluidité
Un point étrange est que certaines voies de bus sont entravées malgré leur rôle dans la fluidité du trafic. Le problème principal pour les bus à Paris reste le temps d’attente aux feux. Actuellement, il n’existe aucune priorité systématique aux feux pour les bus, contrairement aux trams. Certaines ondes vertes existent sur les grands axes, mais elles ne s’activent pas spécifiquement pour les bus.
D’autres leviers pourraient améliorer la ponctualité des bus :
- réduire le temps d’attente en station en renforçant la fréquence et la capacité des bus,
- faciliter le paiement à la montée et permettre l’accès par toutes les portes,
- améliorer les quais à niveau pour un embarquement plus rapide et sécurisé.
Toutes ces mesures visent à rendre les transports collectifs plus attractifs et efficaces, tout en fluidifiant la circulation générale.
La fermeture de la rue de Rivoli
La fermeture de la rue de Rivoli ne peut pas simplement reporter la circulation sur la rue Saint-Honoré, car cette dernière ne va pas dans le même sens et est partiellement fermée devant le Palais de l’Élysée. Son sens de circulation change également plusieurs fois sur sa longueur, ce qui empêche son utilisation comme axe de transit.
Le trafic est donc reporté sur les quais de Seine ou les grands boulevards. Cette modification récente s’inscrit dans le cadre de la zone à trafic limité présentée plus tôt , dont l’objectif est précisément de réduire le trafic de transit en centre-ville.
Et dire que la réduction de l’axe principal augmente la pollution n’a pas de sens : au contraire, limiter le trafic de transit contribue à réduire la pollution dans le centre, en incitant les usagers à utiliser des modes de transport plus adaptés à ce type de trajet, comme la marche, le vélo ou les transports en commun.
Impact sur le commerce
Il est également faux d’affirmer que limiter la circulation automobile « tue » les commerces
Car La grande majorité des consommateurs vient faire leurs achats en transport en commun (48%) ou à pied (40%). En forte progression ces dernières années, la pratique du vélo représente aujourd’hui plus du double de l’utilisation de la voiture (7% de cyclistes contre 3% d’automobilistes).
En ce sens, limiter la place de la voiture permet de valoriser l’espace pour les piétons et les cyclistes qui sont les principaux clients de ses commerces , ce qui favorise la fréquentation. En ce sens, la rénovation des Halles, la fermeture partielle de rivoli à la circulation automobile a permis d’augmenter le nombre de piétons dans la zone, et la fréquentation globale de 13 %.
Rivoli reste, en 2023, l’un des axes de Paris avec le taux de vacance commerciale le plus bas, c’est-à-dire où le moins de commerces ferment. Ce qui change, c’est surtout la répartition des secteurs d’activité, et non pas la fréquentation due à la voiture.
- Le secteur le plus impacté est celui de la mode, des accessoires et de la maroquinerie, confronté à une concurrence accrue en ligne en ce sens le BHV
- Les consommateurs se déplacent désormais pour des expériences culturelles ou de loisirs, plutôt que simplement pour acheter, car ils peuvent déjà effectuer leurs achats en ligne.
Ainsi, la fermeture de Rivoli améliore l’espace public et la fréquentation piétonne, tout en préservant l’accès nécessaire à ceux qui ont besoin de circuler dans cette zone.
Plus de voiture, moins de pollution
Rachida Dati insiste sur la pollution des véhicules, et c’est un point intéressant. Comme expliqué précédemment, la mise en place des Zones à Faibles Émissions (ZFE). De plus, on se concentre souvent sur les émissions de NOx ou de CO₂, maïs un véhicule pollue aussi autrement :
- par le freinage,
- par l’usure des pneus et du roulement.
- et par la bruit
- et le risque d’accident
Et dire qu’une voiture électrique est totalement « propre » est donc incorrect : cela réduit certaines émissions, mais génère toujours d’autres nuisances comme n’importe quel autre véhicule motorisé, néanmoin dans des zone ou il sont absolument nécessaire comme en milieu rural, ou zone mal desservie par les transport en commun ou mode alternative
Quitter Paris : un problème de logement, pas seulement de mobilité
Rachida Dati évoque le départ des habitants de Paris et semble l’attribuer à la limitation de la circulation automobile. Or, le véritable facteur reste le logement.
Pour avoir des enfants à Paris, il faut un foyer suffisamment grand, ce qui est aujourd’hui très difficile. Le marché immobilier est saturé et extrêmement cher, que ce soit pour la location ou l’achat.
Parallèlement, le nombre de résidences secondaires explose, limitant encore davantage l’accès au logement pour ceux qui veulent vivre durablement dans la capitale.
Le problème est donc structurel : beaucoup de personnes souhaitent vivre à Paris pour être proches de leur travail et de leurs pôles d’activité, mais très peu en ont les moyens. C’est par exemple la raison pour laquelle j’ai choisi de quitter la banlieue pour m’installer à Paris quand les prix étaient encore abordables il y a 10 ans de ça pour me rapprocher de mon premier emploi et réduire la durée de mes déplacements.
Et dès que l’on a un enfant et que l’on souhaite plus d’espace, la situation devient souvent invivable. Pourtant, la ville est devenue beaucoup plus confortable pour les familles :
- des rues autour des écoles ont été sécurisées,
- De nombreuses zones scolaires sont accessibles et sécurisées, offrant plus de protection pour les déplacements des enfants.
Au-delà du logement, d’autres leviers pourraient encourager les Parisiens à rester :
- créer davantage d’espaces verts, accessibles à tous,
- lutter contre les îlots de chaleur urbains,
- réduire le stress lié à la vie en ville, notamment les nuisances sonores,
- diminuer la pollution et améliorer la qualité de l’air.
Et faciliter les déplacements en voiture ne résout pas le problème fondamental du logement, qui reste le véritable frein à l’installation des familles à Paris. S’attaquer aux résidences secondaires, à la location saisonnière et geler les loyers est une piste plus réaliste, d’ailleurs envisagée à New York.
La mobilité à Paris est un enjeu complexe qui touche la circulation automobile, la sécurité des piétons, les transports en commun et le vélo.
Limiter tous les problèmes uniquement à la circulation automobile, c’est ignorer de nombreux autres leviers qui pourraient améliorer la vie des Parisiens.
Le logement reste le facteur principal qui pousse de nombreux habitants à quitter la capitale. l’absence de zone piétonne et de vie dans certaines rues la mort des commerces.
L’usage de la voiture est souvent motivé par une qualité décroissante des transports en commun et une distance qui s’allonge entre le domicile et le travail et un manque de solutions alternatives qui permettraient de réduire la dépendance à ce mode de transport.
Le vélo est encore trop souvent perçu comme un mode réservé aux célibataires sportifs vivant à proximité de leur travail, mais cette vision est réductrice. Avec l’avènement des aménagements cyclables sécurisés, le vélo devient un véritable mode de transport pour tous les profils : familles, actifs, jeunes ou moins jeunes. Plus ces aménagements se développent et deviennent accessibles, plus un nombre croissant de Parisiens peut l’utiliser en toute sécurité, pas seulement pour le sport ou les trajets courts.
En résumé, Paris doit équilibrer plusieurs leviers : limiter la voiture, sécuriser et valoriser la mobilité douce (piétons et vélos), rendre les transports en commun plus attractifs, et surtout agir sur le logement et la qualité de vie pour permettre aux habitants de rester dans la capitale.
Or, dans le retour de Rachida Dati, j’ai l’impression qu’aucun de ces points n’est réellement abordé. Sa vision semble passer à côté des enjeux concrets : logement, transports collectifs, mobilité douce, et accessibilité pour tous les profils d’usagers. Et quand on voit à quel point elle défend la place de la voiture en ville, on peut légitimement s’interroger d’autant plus qu’elle a déjà été rémunérée par une filiale de l’alliance Renault-Nissan pour des missions de conseil, des faits aujourd’hui au cœur d’une procédure judiciaire. Cela ne permet évidemment pas de tirer de conclusions hâtives, mais cela éclaire au minimum la cohérence de certaines positions politiques. Et au final, ce qui importe vraiment, ce sont les choix faits pour la ville et leurs conséquences concrètes pour ses habitants.