🟨 INTRO
Bonjour tout le monde ! Ca c’est la rue de Mélanie à Strasbourg. Ses derniers jours, elle a beaucoup fait parler d’elle.
Alors je me suis rendu sur place pour voir ça de plus près, et essayer de comprendre ce qu’il s’y passe vraiment et pourquoi cette rue cristallise autant d’enjeux urbains ? Qu’est-ce qu’elle révèle de nos choix d’aménagement, et surtout y’ a t’il un problème ici parce que une fois laba on est loin du sensationnel c’est calme au point d’ attendre impatiemment un croisement et d’applaudir quand ca arrive.
Au passage, un grand merci à celles et ceux qui m’on rejoint sur place et ceux qui me soutiennent financièrement sur les différentes plateformes de don. C’est grâce à vous que je peux me déplacer sur le terrain, mener ces enquêtes !
🟦 1. CONTEXTE LOCAL ET POLITIQUE
Commençons par revenir à l’origine de cette histoire.
Toute cette polémique a vraiment pris de l’ampleur après la publication d’une vidéo virale sur le média X. Son auteur, c’est Jean-Philippe Vetter, le chef de l’opposition à Strasbourg et un peu beaucoup pro voiture, proposant systématiquement des projet autoroutier dans les milieu urbain.
https://www.facebook.com/watch/?v=315874662747556
https://www.dna.fr/politique/2020/03/02/avenue-des-vosges-vetter-veut-faire-marche-arriere
Dans cette vidéo, il critique l’aménagement de la rue de Mélanie, en disant qu’il augmente l’insécurité, génère des nuisances pour les riverains, crée un chaos de circulation… et représente surtout, selon lui, un gaspillage d’argent public.
Cette publication a été largement relayée, notamment par des médias comme BFM ou RMC. Et c’est un point important à rappeler, parce que les prochaines élections municipales à Strasbourg auront lieu en mars 2026.
Alors, est-ce qu’on est face à une vraie problématique ? Ou est-ce que c’est déjà le début d’une campagne d’influence politique ?
Pour y voir plus clair, regardons d’abord de près la vidéo publiée par Jean-Philippe Vetter.
Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est que… les véhicules roulent à gauche. Ce qui est assez surprenant.
Autre détail notable : l’auteur filme au volant… téléphone à la main et il ne va pas s’arrêter là-dessus, car, juste après, toujours avec le téléphone, il s’engage sur l’aménagement cyclable,
Déjà, je trouve hallucinant qu’aucune communication ne relève les infractions commises par cet élu, qui publie ça comme si de rien n’était sur les réseaux… Et au-delà de ça, il avait un autre choix ’il aurait dû s’insérer la à droite dans cet espace prévu à cet effet car cette rue est pensé pour qu’il y est une alternance au niveau des véhicule c’est un système d’écluse.
https://twitter.com/JPVETTER/status/1917953422793363678
https://twitter.com/GG_RMC/status/1925113828557070667
https://twitter.com/JPVETTER/status/1924755683058065653
https://www.facebook.com/watch/?v=315874662747556
🟩 2. LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉCLUSE
Pour mieux comprendre cet aménagement, voilà à quoi ressemble la rue quand je m’y suis rendu.
Sur ce côté, on voit des places de stationnement, des arbres plantés lors du réaménagement, et des zones élargies qui permettent aux conducteurs de s’arrêter pour laisser passer les véhicules venant en face.
Lors d’une présence de stationnement, c’est à celui qui a les stationnements de son côté de faire la manœuvre c’est c’est d’ailleurs rappelé à l’entrée : priorité aux véhicules en face.
L’objectif initial de cet aménagement est de réduire la vitesse des voitures, un point central, mais rarement évoqué dans les médias.
Car juste avant d’arriver ici, il y a un axe où les véhicules roulent très vite, avec seulement une bande cyclable peinte de façon intermittente.
Ensuite, évidemment, la vraie question c’est : est-ce que cet aménagement est adapté à la circulation réelle ?
Dans les différentes documentations techniques que j’ai pu consulter on y apprend que :
- Son efficacité dépend beaucoup du type d’écluse et du niveau de trafic
- Elle n’est pas adaptée au trafic pendulaire (c’est-à-dire aux flux massifs aux heures de pointe)
- Elle est peu efficace sur les deux-roues motorisés
- Et elle peut présenter un danger pour les cyclistes (notamment lors des croisement)
Et c’est donc lors de certains événements ou week-ends très ensoleillés, quand tout le monde veut aller en même temps au même endroit au Parc de Pourtalès, là, oui, c’est le bazar.
Et c’est exactement ce qui a été filmé dans la vidéo de Jean-Philippe Vetter.
Sauf qu’évidemment, il n’a pas précisé que c’était une situation exceptionnelle :
Car le premier mai il y avait par exemple un grand marché aux fleurs, ce qui a saturé le parking et ce qu’on voit, ce sont tout simplement des automobilistes en train de faire demi-tour, parce que la rue est en cul-de-sac.
Alors pourquoi cette rue a-t-elle été aménagée de cette façon, à la base si ca bloque?
🟥 3. LE PROBLÈME SPÉCIFIQUE DE CETTE RUE
La rue Mélanie porte très mal son nom, elle se finit en impasse.
Son seul accès, c’est le parking du Parc de Pourtalès. il est donc impossible de la mettre en sens unique.
En temps normal, le flux de circulation est modéré. Mais ce qui génère du trafic, ce sont justement ce parking au bout et la zone de loisir / détente qui l’entoure.
Le choix de l’aménagement a aussi été dicté par un compromis avec les riverains, qui souhaitaient conserver des places de stationnement devant chez eux.
D’ailleurs, quand on regarde la suite de cette rue, hors de la zone résidentielle, on constate que le problème disparaît. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de stationnement sur la chaussée.
À l’origine, le projet prévoyait de supprimer 60 places de stationnement.
Cette idée a été mal accueillie par certains riverains, et un compromis a donc été recherché pour permettre quand même la réalisation de l’aménagement.
Il faut quand même noter qu’avant le début des travaux, 75 % de l’espace public était accaparé par la circulation et le stationnement automobile le but principal était alors une rééquilibrage de l’espace et permettre de réduire la vitesse des voitures, et non d’empêcher l’accès ou de supprimer des places pour le plaisir.
Et un petit mot sur le coût du réaménagement : les travaux de voirie ont coûté 486 000€ (à la charge de l’Eurométropole). La voirie comprend le réaménagement des trottoirs — plus larges, sans ressaut au niveau des sorties de parking , et avec des trottoirs traversants vraiment confortables, l’aménagement d’une voie cyclable dédiée avec traversées, la création d’espace vert, de stationnement, de massif pour les chicanes, de séparateur physique ainsi que la reprise d’un carrefour et de la voie motorisée.
La ville, de son côté, a payé 96 000 € pour cet aménagement et c’est la remise en état de l’écrit public qui a coûté le plus cher 79k suivi des espaces verts 16k comprenant le massif remplaçant le rond point.
On est donc bien loin des 900 000 € annoncés pour le réaménagement de cette voie dans le tweet original qui a d’ailleurs été repris sans être vérifié par certains médias, pour infos ses chiffres sont publics .
Une étude préalable à la réalisation de cet aménagement avait également révélé que les riverains disposaient déjà de 140 places privatives entre cours, parkings et garages. L’aménagement aurait donc pu se faire sans conserver de stationnement sur l’espace public. Je ne vais pas rouvrir ici le débat que j’ai déjà abordé à propos de la rue de Strasbourg à Caluire sur la répartition de l’espace public : mais, clairement, on est face aux mêmes enjeux.
Le choix a donc été fait de conserver du stationnement en voirie, et c’est justement ce compromis qui bloque la situation actuelle.
🟧 4. LE RÉSEAU CYCLABLE ET MOBILITÉ DOUCE
Un dernier point que je n’ai pas abordé c’est pourquoi avoir créé une piste cyclable en site propre ?
Car pour en trouver un entre deux, certains habitants proposent une vélorue, plutôt qu’une piste cyclable séparée. En théorie, l’idée est séduisante, on ne touche pas au stationnement.
Mais un vélo de rue, ce n’est pas juste un coup de peinture sur la chaussée.
Pour que ça fonctionne, il faut remplir plusieurs conditions.
Et le premier critère, c’est le volume de circulation motorisée :
Une vélo rue ne peut s’installer que sur des axes où la présence de voitures est faible ou très occasionnelle, moin important que le trafic cyclable
Or, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, le trafic peut fortement augmenter à certains moments – week-ends, événements, beau temps… Ce qui rend l’idée difficilement applicable ici créant des conflits important entre les cycles et conducteur et ne permettant pas ni de réduire la vitesse ni d’offrir de la sécurité pour les cycles
Ensuite, il y a souvent une confusion : certains pensent à une vélorue, alors qu’ils imaginent plutôt une chaussée à voie centrale banalisée (ou CVCB).
Dans ce type d’aménagement, on a une voie unique au centre pour les voitures, et des accotements élargis de chaque côté pour les cyclistes.
Là aussi, ça nécessite des écluses cyclables pour ralentir les voitures et garantir la sécurité.
Mais même dans ce scénario, on aurait été confronté au même problème :
👉 La présence de stationnement des deux côtés réduit fortement la largeur disponible,
👉 Et le maintien des places de stationnement était justement une priorité pour les riverains.
Ce choix et emplacement de cet aménagement cyclable dédié a surtout été fait pour compléter le maillage cyclable car il a été pensé en conduite d’un axe très important qui figure sur trois itinéraires : l’EuroVélo 15, le Vélostras B et la piste des Forts. À cet endroit, auparavant, la continuité était interrompue sur un tronçon de 300 mètres.
Chose que l’on peut voir illustré sur cette carte quand j’ai pu filmer en suivant cet itinéraire.
c’est aussi en ce sens que l’ancien rond point a été refait pour permettre le franchissement des cycliste avec des ceder le passage pour eux.
Le franchissement à la fin de la rue est également plutôt réussi, avec une mise en valeur du passage piéton, des cédez-le-passage, et un rétrécissement de la voie qui pousse les véhicules motorisés à ralentir.
Aujourd’hui, on peut donc traverser l’ensemble du secteur à vélo en sécurité, ce choix d’un aménagement séparé de la circulation était indispensable ici et c’’est un vrai progrès, notamment pour les familles ou les cyclistes moins expérimentés.
Strasbourg continue d’ailleurs la réalisation de cet émargement, j’ai profité de mon déplacement dans cette ville pour les documenter.
Si ce genre de sujet vous intéresse, n’hésitez pas à vous abonner !
Je prépare des vidéos plus poussées sur les aménagements cyclables, leur logique, leurs effets, et comment les mettre en place intelligemment dans nos villes.
https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/04/2_rdvmob_velorue_cerema_0.pdf
🟫 5. DES SOLUTIONS ENVISAGEABLES
Bon, après avoir discuté des choix et pris un peu de hauteur sur la situation, quelle solution pourrait permettre d’améliorer les choses ici lors des fortes affluences ?
Une piste de continuer à encourager l’usage des modes actif et du vélo en continuant à améliorant les infrastructures :
- Créer plus de stationnements cyclables protégés, car pour l’instant, le parking vélo est très limité, presque ridicule.
- Installer des casiers sécurisés et couverts, gratuits, pour que les cyclistes puissent laisser leurs vélos en toute tranquillité, surtout ceux qui combinent vélo et marche à pied.
- Améliorer le fléchage et les indications pour guider les cyclistes plus facilement.
- Et mettre en valeur certains raccourcis pour éviter les détours à pied ou à vélo, comme ici, où l’on doit passer par une ligne de désir impressionnante, entretenue par les habitants, qui permet de relier deux quartiers à vélo. Un aménagement intéressant, qui évite justement le trafic de transit. c’est ligne se crée spontanément en cas de besoin et les ville devrait s’y intéresser pour se rendre compte sur besoin des habitant et ainsi simplifier leur déplacement
Une autre mesure, qui sera certainement perçue comme impopulaire, consiste à instaurer une somme symbolique pour le stationnement dans le parking du parc. Mais cela risque de provoquer un report du stationnement vers les zones avoisinantes. Réduire le nombre de places dans le parking pourrait aussi être une solution, mais cela entraînerait probablement le même effet de report. Or, dans les rues voisines il n’y a actuellement aucune restriction de stationnement, avec parfois des voitures garées sur les trottoirs, il faut alors commencer par réguler ces espaces avant d’envisager de telles mesures
Concernant le stationnement automobile, supprimer certaines places gênantes tout en conservant les arbres permettrait de faciliter les manœuvres. C’est principalement cela qui pose problème aujourd’hui. Ce serait aussi l’occasion d’ajouter des places PMR, ainsi que des emplacements de type « dépose-minute » interdits au stationnement long, pour permettre l’accès aux livraisons et aux arrêts courts.
Sur la question de la circulation, certains proposent de mettre la rue à sens unique. Mais ce n’est pas si simple : la rue débouche sur un parking en impasse. Traverser le parc du château pour créer une sortie serait une nuisance importante pour les piétons. Il faudrait donc envisager une nouvelle sortie ailleurs. Sur place, j’ai pu constater qu’un ancien bras mort de rivière est visible sur le cadastre ; il pourrait être réaménagé pour créer une liaison. Il serait aussi envisageable de racheter des parcelles pour créer une connexion, ce qui permettrait de former une boucle.
Mais réaménager cette rue coûterait une fortune, environ en bas de fourchette 450 000 € pour 500 mettre sur une bande de 3 mètre de large soit approximativement ce qu’a coûté le réaménagement de cette rue tout cela pour résoudre un problème de congestion limité à quelques heures, certains jours. Est-ce que cela en vaut vraiment la peine ?
D’autant plus que créer cette boucle ne réglera pas à lui seul le problème du nombre de véhicules, ni celui des habitudes des usagers. Car c’est bien cela qu’il faut changer : que les usagers se tournent progressivement vers d’autres solutions que le tout-voiture.
Et les alternatives ne manquent pas aujourd’hui : un réseau de bus à haut niveau de service juste à côté, des trottoirs flambant neufs, et un aménagement cyclable qui vient renforcer le maillage existant.
Ce que je crains, c’est qu’en voulant traiter ce problème très occasionnel dans l’urgence, on finisse par adopter une approche purement « solutionniste » : « On supprime le stationnement et les arbres pour revenir à l’aménagement d’avant. »
Mais cela ne résoudra pas le problème initial, qui était celui de l’insécurité des usagers… et de la vitesse.
🟣 6. CONCLUSION : PRENDRE LE TEMPS DE PRENDRE LE TEMPS
Un point fondamental, et pourtant largement ignoré dans ce débat, c’est la nature même de ces déplacements.
La grande majorité des gens viennent ici pour des activités de loisir : balade au parc, promenade en famille, événements culturels…
Et pourtant, on veut y accéder comme s’il fallait y arriver en urgence, vite, en voiture, sans ralentir, sans attendre.
Mais si le but, c’est de profiter… alors le trajet pourrait aussi faire partie de l’expérience, non ?
On a un peu oublié comment prendre le temps de prendre le temps. Se presser pour aller se détendre, c’est un paradoxe très moderne.
Ici, l’objectif du réaménagement, c’est justement de sécuriser les déplacements des piétons, des cyclistes, des enfants, de rendre l’espace plus agréable, plus calme, plus beau.
Et ça, ce n’est pas un détail. C’est une invitation à repenser nos priorités :
- Repenser l’usage de l’espace public,
- Encourager une mobilité douce,
- Et créer des villes apaisées, où il fait bon se déplacer autrement que seul en voiture.
Il faut bien sûr prévoir des alternatives : un bon maillage cyclable, des accès sécurisés à pied, et des solutions de stationnement vélo dignes de ce nom.
C’est aussi une manière de limiter notre dépendance à la voiture pour chaque petit déplacement.
Et de la réserver à ceux qui en ont vraiment besoin — notamment les jours d’événements, où les bouchons sont inévitables.
Alors la question n’est peut-être pas « Comment faire pour que les voitures passent mieux ? »
Mais plutôt :
Comment faire pour que tout le monde puisse accéder à ces lieux… sans forcément en dépendre ?
⬛7.OUTRO
Si ces enjeux vous intéressent, je t’invite à aller la vidéo sur la rue de Strasbourg à Caluire qui est très complémentaire à ce sujet
🙏 Un grand merci à Florian, qui tient le compte @jtrace_a_stras, pour son aide, ses observations et ses partages toujours précieux sur la ville et ses transformations.
Merci à tous ceux qui se sont déplacés pour venir échanger, vous retrouverez des extrait de cette sortie sur la chaine secondaire, et encore merci à tous ceux qui soutiennent ce média sur les différentes plateforme de don et mes partenaires. Grâce à vous, je peux me rendre sur place, observer et apporter une analyse plus fine que si je me contentais de regarder cela de l’extérieur.
N’hésitez pas à partager cette vidéo si vous l’avez trouvée utile ou qu’elle peut faire avancer le débat local.
🔔 Et bien sûr, abonne-toi si ce n’est pas encore fait, j’ai d’autres sujets en préparation où on ira encore plus loin dans ces réflexions sur la ville.
MERCI POUR LA DOCUMENTATION
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